Affaire Bétharram et parjures devant la commission d’enquête
L’affaire Notre-Dame de Bétharram remonte à la fin des années 1990 : dès juillet 1996, une lettre confidentielle, signée par le directeur de l’école et adressée au cabinet du maire de Pau, faisait état de témoignages relatant des agressions sexuelles commises par le père Carricart, alors chef du comité diocésain de Bétharram. Selon plusieurs sources concordantes — un inspecteur diocésain, une enseignante, ainsi qu’un parent d’élève devenu lanceuse d’alerte — ce courrier aurait été remis « en mains propres » au cabinet municipal, à l’époque dirigé par François Bayrou.
Dès les premières semaines de l’affaire, en mars 2025, François Bayrou avait choisi la dénégation la plus totale lors de son audition devant l’Assemblée nationale. Devant les députés, il avait juré « n’avoir jamais entendu parler » de signalements concernant Notre-Dame de Bétharram, affirmant avec force qu’« aucune alerte » ne lui avait jamais été remontée, ni en tant que maire, ni ultérieurement comme ministre. Malgré les rappels insistants de la gauche et de l’extrême droite, il maintint son discours pied à pied, qualifiant les rumeurs de « calomnies » et accusant ses détracteurs de vouloir « politiser » une affaire judiciaire.
Pourtant, lors de son audition devant la commission d’enquête parlementaire en mai 2025, Bayrou a assuré n’avoir « jamais eu vent » de cette missive, ni « aucune trace » d’alertes dans les archives municipales ou ministérielles. Ce déni catégorique a été rapidement fragilisé par la production du courrier original. Confronté au document, le Premier ministre a finalement évoqué un « oubli administratif » ou un « classement non abouti », tout en reconnaissant qu’il lui semblait « probable d’en avoir eu connaissance ». Cette contradiction est constitutive, aux yeux des juristes, d’une « fausse déclaration sous serment », infraction susceptible de poursuites pénales.
Plusieurs témoins ont ajouté que, dès 1998, le juge Philippe Mirande, chargé de l’instruction, avait personnellement alerté Bayrou sur le caractère urgent des investigations à mener. Bayrou a d’abord nié tout échange ciblé, puis, sous la pression des investigations, a admis un entretien « fortuit » avec le magistrat : différence de formulation qui jette le doute sur la sincérité de son témoignage. Le juge Mirande affirme avec force qu’il a bien explicitement évoqué la nature et la gravité des faits, et qu’il a été surpris de l’inertie qui a suivi.
Le père Carricart, mis en cause, s’est retranché dans un silence obstiné avant de se donner la mort en 2001, selon la reconstitution de la commission. Son suicide, interprété comme un aveu implicite par certains, a pourtant retardé de plusieurs années la reconnaissance officielle des premiers signalements.
La lanceuse d’alerte, Françoise Gullung, ancienne professeure à Notre‑Dame de Bétharram, a joué un rôle central : c’est elle qui a conservé les copies des échanges de courriers et a alerté de nouveau le parquet en 2023, déclenchant l’ouverture de l’enquête qui a conduit à la commission parlementaire.
Ambivalence politique de François Bayrou : le cas de Gaza
Alors que sa gestion de l’affaire Bétharram remet en cause son éthique personnelle, Bayrou s’est également illustré par une position fluctuante sur la guerre en Gaza. En 2023, il a d’abord condamné avec force les opérations militaires israéliennes, plaidant pour un « cessez-le-feu immédiat » et l’ouverture d’un « pont humanitaire français ». Quelques mois plus tard, soucieux de maintenir l’alliance franco-israélienne, il a modéré ses propos en affirmant qu’il comprenait « les impératifs de sécurité d’Israël ».
En début d’année 2024, lors d’un déplacement à Jérusalem, il a réitéré son soutien à la « seule démocratie du Moyen-Orient » avant de revenir quelques semaines plus tard sur « l’inacceptable traitement des populations civiles » dans la bande de Gaza. Cette alternance rappelle ses déclarations passées, comme en 2011 lors du conflit libyen, où il dénonçait « la dictature de Kadhafi » avant d’appeler à la prudence dans la fourniture d’armes.
Cette ambivalence permanente nuit à sa crédibilité diplomatique : tantôt message d’espoir pour les humanitaires, tantôt soutien discret aux opérations alliées, il ne parvient plus à imposer une ligne claire sur un dossier crucial où la France se doit, selon l’opinion publique, de rester à la fois ferme et équitable.
Vers une destitution inévitable ?
La juxtaposition du scandale Bétharram — à la fois grave manquement moral et potentielle infraction pénale pour parjure — et d’une politique étrangère marquée par l’inconstance met en lumière l’incapacité de Bayrou à exercer efficacement et dignement la fonction de Premier ministre. Face à une majorité fracturée, une opposition unie dans la demande de motion de censure et une opinion publique désabusée, la destitution apparaît de plus en plus comme la solution nécessaire pour restaurer l’autorité et l’intégrité de l’État.